Un forum international autour des Dentelles de Montmirail pour la défense des terroirs et la diversité des cultures


La protection des savoirs locaux, la beauté de l’infiniment « petit », la dignité de ceux qui se sont accrochés à des terres difficiles, c’est tout cela qui sera évoqué à Beaumes-de-Venise, Gigondas et Vacqueyras, les 26 et 27 juin prochains.
C’est là que Terroir et culture, une association créée en 2003, tient son grand forum international, avec le soutien de l’Unesco. Au-delà du thème fédérateur, la demande de classement au patrimoine de l’humanité du terroir des Dentelles de Montmirail, il sera question de la faim dans le monde et des vraies manières d’y pallier, de la liberté de vivre sur ses terres et de s’y nourrir. Un nouveau mouvement est en train de germer pour tenter de contrer la folle dérive de l’humanité. Écoutons son créateur, Dominique Chardon, paysan à Bellegarde dans le Gard.

Avec Terroir et Culture, vous avez réussi à fédérer des agriculteurs, et des chercheurs en France et dans le monde. Quels sont vos objectifs ?

Nous voulons identifier des territoires où des économies locales fonctionnent encore et voir comment peuvent se transmettre ces savoir-faire. Comment les capter et les protéger. Regardez le Vaucluse. Il est riche en terroirs qui marquent les identités territoriales. Ce sont des petites économies locales qui font vivre la population. Dans le reste du monde, c’est la même chose. Nous le voyons dans la révolte des pays émergents. Ils ne peuvent plus vendre leurs produits parce qu’on a détruit leur économie avec des importations massives.
Au Maroc, par exemple, la production de l’huile d’Argan a été maintenue de manière traditionnelle par des femmes. Tout à coup, différents phénomènes ont conduit à son industrialisation et elle est produite de manière massive dans les plaines. Et le bassin méditerranéen se dirige vers la littoralisation, avec des villes qui se développent et les intérieurs qui se désertifient.
On dit que le terroir est synonyme de cherté, d’élitisme. Bien sûr les coûts sont supérieurs à ceux de la production en plaine. Mais des gens doivent vivre de leur travail, ce n’est pas de l’élitisme ! Les produits qui viennent de loin ont aussi un coût.
La mondialisation, ce n’est pas nouveau. Dans l’alimentation, de nombreux produits ont circulé. Mais on les a adaptés en fonction de la culture locale. Cette dimension culturelle est très importante. À Madagascar, on cultive un riz, entre rouge et noir, excellent. Venu d’Indonésie, il s’est adapté au fil du temps pour des palais différents. Alors que les riz importés vont détruire ce riz spécifique.

Pourquoi avoir choisi ce site des Dentelles de Montmirail pour en demander le classement par l’Unesco ?
Il fait partie des sites très emblématiques. Sur le plan géologique et climatique, c’est une terre difficile, pauvre, avec des aspérités. Elle nécessite donc le travail des hommes qui ont dû s’y accrocher pour en faire une richesse. Tous ces éléments s’unissent pour produire de l’infiniment petit et de la beauté. La particularité de ce site est aussi de posséder une économie basée sur le vin qui se confronte à l’uniformisation mondiale.
Notre premier forum, dans un autre territoire mythique, en Aubrac, a permis de faire un travail de redéfinition des terroirs. Ici, nous voulons mettre en avant des savoir-faire locaux et montrer qu’ils peuvent faire vivre des communautés comme les Dentelles avec leurs 300 petites entreprises.
Nous essayons d’avancer sous deux angles. Avec l’Unesco, d’abord parce que ce territoire est une richesse de l’humanité. Avec l’OCDE, aussi, pour montrer qu’il s’agit d’une économie vivante. Un terroir ce n’est pas un musée, mais un lieu qui existe dans une économie marchande et qui est régulée par elle.

Vous allez recevoir des représentants de différents pays, Maroc, Turquie, Japon, Laos. Comment votre démarche est-elle considérée à l’étranger ?

Les gens sont curieux, y compris les Anglo-saxons bien qu’ils ne soient pas culturellement dans la même tendance. Leur agriculture s’est industrialisée plus rapidement, et eux-mêmes cherchent à se démarquer de la masse.
Le terroir c’est un lieu, une origine, ce n’est pas délocalisable. La planète est constituée d’une multitude de petites parcelles différentes. Il faut leur redonner de la richesse pour que les hommes puissent travailler sur leurs territoires car il n’y a pas de modèles de développement unique.
Un autre élément, tout nouveau et aussi déterminant, c’est la nécessité de créativité dont a besoin l’économie de la connaissance. Et la créativité, elle, se trouve dans cette diversité. C’est tout cela la modernité.

Propos recueillis par Cécile Mozziconacci, numéro 12, mai/juin 2008

Pour en savoir plus, programme complet du forum :
www.terroirsetcultures.asso.fr


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